La médecine en mouvement : générations, pratiques et passions
Rencontre avec le Docteur Fabian Warzée (44), médecin spécialiste en médecine d’urgence, expert en traumatologie et spécialiste en médecine d’expertise et évaluation du dommage corporel. Il nous partage sa vision de l’évolution des pratiques médicales à travers les générations. Une plongée dans les coulisses de l’hôpital, entre transmission, adaptation et humanité.
Ce qui nous relie, c’est cette volonté commune de transmettre, d’apprendre et de faire progresser la médecine ensemble.
Dr Fabian Warzée
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel et de vos différentes casquettes ?
« La médecine a toujours été une passion. J’ai commencé par la chirurgie, attiré par la technicité du geste, avant de me tourner vers la médecine d’urgence, qui offre une vision globale du patient et une grande diversité de situations. J’ai eu l’occasion de développer des services hospitaliers et d’explorer différentes approches de l’urgence, ce qui m’a permis d’enrichir ma pratique.
En parallèle, je me suis spécialisé en médecine d’expertise, qui consiste à évaluer les dommages corporels après un accident. C’est une discipline exigeante, qui demande rigueur et connaissance du terrain. Je travaille au SMUR (Service Mobile d’Urgence et de Réanimation) pour garder un lien avec la pratique clinique. Je suis également enseignant auprès d’infirmier·ères spécialisé·es en soins intensifs et urgences, et j’encadre des courses cyclistes depuis une dizaine d’années. Ces différentes casquettes me permettent de rester actif, de transmettre, et de nourrir ma passion sous plusieurs angles. »
Quelles sont les plus grandes satisfactions de votre métier ?
« Aider les gens, tout simplement. La santé est précieuse, et on ne s’en rend pas toujours compte. L’expertise m’a appris que même une entorse peut laisser des séquelles durables. Chaque patient mérite qu’on prenne le temps de l’écouter, de le comprendre. Ce qui me rend heureux, c’est quand un patient quitte les urgences en ayant compris ce qu’il a, ce qu’on a fait pour lui, et ce qu’il doit faire ensuite. Sortir des urgences en se disant “je n’ai rien compris”, sans explication, c’est triste. »

Quels sont les plus grands défis ?
« Les urgences, c’est un métier à flux tendu. On ne sait jamais ce qui va arriver. On ne sait jamais ce qui va arriver : un accident grave, une crise cardiaque, une détresse respiratoire… Il faut être prêt à tout, à tout moment. Cette imprévisibilité génère des émotions fortes : la peur, l’angoisse, la tristesse. Et c’est à nous, en première ligne, de les gérer, de les transformer en prise en charge humaine et efficace.
Mais au-delà de la technique, il y a une dimension essentielle : la communication. Expliquer les délais, rassurer, écouter. La communication est un soin en soi.
La médecine d’urgence ne se pratique jamais seule. Nous avons besoin du laboratoire, de la radiologie, des soins intensifs, des autres services. C’est un travail d’équipe, mais aussi de coordination. Il peut donc y avoir des incompréhensions. Faire comprendre à un collègue que tel patient ne peut pas attendre que chaque minute compte, ce n’est pas toujours évident. Mais c’est indispensable. Car sans le soutien des autres services, nous ne pouvons pas assurer une prise en charge optimale.
Quand la collaboration fonctionne, c’est remarquable : un patient est pris en charge rapidement, les examens sont faits sans délai, les décisions sont partagées. Et là, on se dit : “On a fait du bon travail.”
Ce sont ces moments qui nous rappellent pourquoi on fait ce métier. Malgré les tensions, malgré les urgences, il y a une vraie solidarité hospitalière qui peut se construire. Et quand elle est là, elle fait toute la différence — pour les soignants comme pour les patients. »


Voyez-vous une évolution dans la manière de pratiquer la médecine ?
« Oui, clairement. Les jeunes générations sont plus sensibles à l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle. Elles sont aussi très à l’aise avec les outils numériques, les scores, les protocoles. Les plus anciens ont parfois une approche plus intuitive, basée sur l’expérience. Personnellement, je crois à la complémentarité. Les scores sont utiles, mais il faut garder le sens clinique, le flair.
Il y a aussi une différence marquée dans la perception du travail. Les plus anciens ont connu des stages sans limite horaires, parfois très éprouvants. Ce que nous avons acquis, c’est une forme d’endurance — une capacité à tenir, à encaisser, à rester lucide dans la durée. Les jeunes médecins, eux, évoluent dans un cadre plus structuré, avec des règles qui les protègent des abus du passé. Et tant mieux. Mais cela change aussi la manière dont on définit “travailler beaucoup”. Ce qui nous semblait normal peut leur sembler excessif, et inversement.
Ce qui est encourageant, c’est que malgré ces différences, je vois des jeunes très motivés, curieux, impliqués. Et des anciens qui transmettent avec bienveillance. L’endurance ne se mesure pas seulement en heures, elle se construit aussi dans la passion, la rigueur, et le sens du collectif. Et quand ces générations se rencontrent, échangent et collaborent, cela donne une médecine plus humaine, plus riche, et plus forte. »

Comment voyez-vous l’avenir de la médecine ?
« Je pense qu’on va vers plus de collaboration, plus de transdisciplinarité. Les maisons médicales, les équipes pluridisciplinaires, c’est l’avenir. Il faut apprendre à se parler, à se comprendre. La médecine évolue vite, avec l’intelligence artificielle, les nouvelles technologies. Mais il ne faut pas oublier l’humain. Interroger, examiner, réfléchir : c’est ça, le cœur du métier. »
Sur le plan personnel, votre métier vous a-t-il changé ?
« Oui, bien sûr. Il m’a appris à gérer le risque, à aller à l’essentiel. Il m’a aussi appris à lâcher prise. On ne peut pas tout contrôler. Il faut accepter de ne pas avoir toutes les réponses, de déléguer, de faire confiance. Et surtout, il faut veiller à ne pas s’épuiser. Le burnout guette ceux qui veulent trop bien faire. Il faut écouter les signaux d’alerte, préserver sa santé mentale. »
Un dernier mot sur les différences intergénérationnelles ?
« Je pense qu’il faut les voir comme une richesse. Chaque génération apporte quelque chose. L’expérience, la rigueur, la fraîcheur, la technologie. Il ne faut pas stigmatiser, mais avancer ensemble. La médecine est un métier passionnant, exigeant, mais aussi profondément humain. Et c’est en partageant qu’on devient meilleurs. »
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